Le Village, d'après Don-Jacques Canonici

La vie de Figari au cours du XXè siécle peut être perçue à travers les écrits de Don Jacques Canonici. Don Jacques était un habitant de Figari, qui enseignait l’italien à Bonifacio. Au courant du milieu du siècle dernier, il a retracé les moeurs et les coutumes de ce village de l’extrême sud, il confia ses écrits à une cousine Monique Piras et c’est à partir de ceux-ci que nous pouvons avoir un aperçu de la vie “au village”.

Les photographies sont issues d’archives familiales de la population de Figari.

J’ignore l’origine du nom de ma commune : Figari. Depuis quand porte-t-elle ce nom ? Je ne puis le dire. Je sais seulement qu’autrefois, toute la région, et spécialement ce qu’il est convenu de considérer comme pays plat était désigné par ” A pian da Fretu”. A pian da Fretu était infestée de moustiques et la malaria y sévissait à l’état endémique, ce qui contraignait la majeure partie des habitants à déserter la pieve pendant au moins tout l’été.

Figari, qui a remplacé le nom de Fretu, a d’abord servi à désigner, jusqu’à il y a seulement moins de quarante ans, l’ensemble du territoire de la commune, et aucun village ne portait ce nom, ce qui donnait lieu à bien des problèmes et erreurs.
Ainsi, à chaque changement de maire, au gré de celui-ci, les archives, donc la mairie, se promenaient d’un hameau à l’autre.
Cette anomalie a pris fin, au lendemain de la libération, lorsque le maire, Mr Jean Pompa, issu de la résistance, obtint du sous-préfet de l’époque, au vu d’un rapport circonstancié, que la principale agglomération Tivareddu fut baptisée Figari.

quartier du village

Tivareddu comprend divers quartiers, Tivareddu, le centre du village et le quartier le plus important ; puis, Subbarriacciu (la partie supérieure de ce même quartier) ; Caravone (lieu de ma naissance), qui comprend un sous-quartier l’Arghjola (petite aire) à la sortie du village. Entre Tivareddu et Caravone, enfin Capusgieddu . Un lieu dit Fica Torta appelé encore Cagnetta ( où est implantée la mairie) était un peu la ligne de partage, une sorte de frontière entre Tivareddu et Caravone.

Entre les enfants, voire les jeunes gens de ces deux quartiers, régnait, en certaines circonstances, une espèce d’émulation, muée parfois en véritable compétition, dans les jeux ; dans la confection des feux de la Saint-Jean.

Le feu de La Saint-Jean était allumé trois fois consécutives. Des deux côtés du village on voulait avoir le plus beau ” Castellu “. On entassait des branchages verts en forme de cône. Tous se mobilisaient pour obtenir le ” monument ” le plus haut, le plus imposant. Et lorsque le CASTEDDU s’embrasait et que commençait la ronde autour du feu, l’on chantait : ” U Casteddu di Caravone é u cheffu lu cantonu ” ( le castellu de Caravone est le chef du canton) ; ou ” U Casteddu di tivareddu passa suttu a un banchiteddu ” ( le castellu de Tivareddu passe sous le petit banc) par dérision, est tout petit. A quoi les tivarellais répliquaient ” U Casteddu di Caravonu hé tamantu a un buvonu ” ( le château de Caravone est grand comme un bousier) etc….

A l’occasion du feu de la Saint Jean, une coutume rituelle voulait que les jeunes filles se fissent ” Cumari di a San Ghjuvà “. En voici le déroulement : dés que le brasier faiblissait, les jeunes filles saisissaient simultanément, chacune, un charbon ardent, et le faisait sauter rapidement d’une main dans l’autre tout en prononçant la formule :

“Nous nous prenons compères et commères, par le feu de la Saint-Jean ; celui ( ou celle) qui ne dira pas, compère, commère, verra son bras se dessécher” .

Et cet engagement, consacré par un rite solennel, était scrupuleusement tenu, jusqu’à leur mort, celles qui l’avaient pris, s’interpellaient toujours ” O Cuma ! ” suivi par le prénom de celle à qui l’on s’adressait (O Cumari Mari !)

Cadre

La pian da Freto, qui s’ouvre largement sur la mer, puisqu’elle débouche sur le golfe de Figari et se prolonge à l’est en se rétrécissant vers la commune de Sotta, possède des limites naturelles.

La mer, à l’ouest, la chaîne de Cagna au nord-ouest ; au sud-est, un vaste plateau granitique accidenté, allant de Montilati jusque dans la direction du col de Scopetto.

Les deux massifs, Cagna et le Castello, sont couverts d’une végétation dense, formée de maquis.

La plaine était le domaine des chênes-lièges, mais sa plus grande superficie était consacrée à la culture des céréales et aux pâturages.

Les pentes des collines elles-mêmes, étaient démaquisées, labourées, aménagées en étages par des murettes et livrées au soc de l’airain, et le plus souvent à la pioche du laboureur.

Climat

Le cycle climatique annuel paraissait obéir à un rythme équilibré qui réglait avec netteté la succession des saisons.

Hivers plus rigoureux avec une pluviométrie plus abondante, printemps somptueux où la végétation explosait littéralement où, pourtant les fleurs éclataient triomphalement dans une débauche de couleurs infinies, et laissant monter de leurs cassolettes d’alchimistes subtils, des parfums générateurs de toutes les plus belles folies.

Les étés s’embrasaient en Juillet et Août où la chaleur devenait caniculaire plongeant tout dans une épuisante frustration.
Les moissons étaient rentrées, heureusement, et les quelques travaux de jardinage surtout, se faisaient de très bonne heure, avant même le lever du soleil.
Il faisait si chaud qu’il était impossible de dormir pendant les longues siestes, aux après-midi interminables.
Les repas du soir se prenaient très tôt, et tout de suite après, on se mettait au frais, allongés devant la porte, jusqu’à minuit, ou plus tard, ne gagnant la couche que lorsque l’atmosphère rafraîchie par la nuit était moins suffocante.

Plus tard, la métamorphose des couleurs commençait et marquait l’entrée dans la saison la plus faste.

” U Vaghjimu “, tel est le nom de l’automne chez nous. C’était assurément la période privilégiée de l’année. Tout devenait recueillement.

L’ardeur du soleil apaisée, tout baignait dans une sorte de tiède quiétude qui envahissait la chair et l’esprit, donnant l’impression d’un état de grâce. Une expression ” Novembre di l’oro “, dépeignait cette saison, richesse et précieux éclat. Il est évident qu’une rupture climatique s’est produite.

Les hivers sont moins rigoureux, plus secs, et l’insuffisance des pluies a raréfié le débit des sources ou les a taries. Nos petits cours d’eau se payaient la fantaisie de crues fréquentes et quittaient leur lit. Aujourd’hui on les passe presque tout le temps à gué.

Le printemps vient sans transition, gardant le sourcil froncé, défunt de la splendeur passée.

Les étés sont devenus frais, quand ils ne sont pas froids.

L’automne est quelconque et n’apporte plus aux choses et aux gens cet état d’euphorie que l’on a connu.

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